Un manque à gagner pour les entreprises
Dans le secteur des articles de luxe et de la mode, une idée reçue, est ancrée dans l’esprit de certaines personnes mal informées. En effet, pour elles, la contrefaçon de produits de luxe contribue à la diffusion de l’image de marque sans entraîner un manque à gagner important. Cette idée ne peut être retenue, car le consommateur qui achète une contrefaçon n’aurait probablement pas acheté l’original pour des raisons évidentes qui sont des coûts forts importants. Pour l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), cette attitude laxiste a pu être un facteur favorable à la progression de la contrefaçon d’articles de luxe en Europe. Il n’en demeure pas moins que l’industrie du luxe doit faire face à une nouvelle génération de produits contrefaisants pour laquelle la distinction avec les produits authentiques est très difficile à faire. Dans ce cas-ci, le consommateur n’est pas nécessairement conscient du caractère contrefaisant du produit notamment lorsque le réseau de distribution a lui aussi été trompé.
De plus, il a été constaté une augmentation de la qualité des
produits qui sont souvent fabriqués par les entreprises chargées de la fabrication des produits originaux. Il est alors très délicat de distinguer les contrefaçons des originaux. Ce type de
produits contrefaits cause un préjudice indiscutable aux industriels, d’autant plus que ces produits sont vendus à moins de la moitié du prix de l’original. Dans ce domaine, on observe maints cas
de réseaux de contrefaçons, qui ne sont pas nécessairement de grands réseaux organisés de type mafieux par exemple. On peut ainsi rencontrer de petites organisations criminelles, qui sont liées
aux phénomènes de banlieue.
Un cas de réseau qui avait pour champ d’action la Corse, démontre
la facilité avec laquelle de telles activités illicites s’organisent en particulier pour les produits de luxe qui peuvent être aisément revendus par les contrefacteurs, en raison du fort pouvoir
d’attraction exercé par l’industrie du luxe. Les organisateurs du réseau se déplaçaient essentiellement en Italie à Naples ou à Vintimille, pour s’approvisionner en bonnes imitations de montres,
de vêtements contrefaits de la marque PRADA, ou de sacs de la marque VUITTON. Ils importaient alors ces marchandises en Corse, où ils étaient vendus par certains commerçants. Les autorités de
police ont finalement pu démanteler ce réseau d’importation de maroquinerie, vêtements et montres de grande marque en provenance d’Italie. Lors de cette opération, les autorités publiques ont
noté que le préjudice (en cours d'évaluation) pouvait se chiffrer en millions d'euros. Cette activité, quelle que soit son ampleur, était extrêmement lucrative, en particulier pour le principal
organisateur du réseau.
Pour les entreprises, ce phénomène entraine perte de chiffre
d’affaires, de parts de marché ainsi que diminution des bénéfices. De plus, comme c’est le marché mondial tout entier qui est frappé de plein fouet
par cette activité parallèle, la contrefaçon constitue une barrière à l’export. Ainsi, dans cette situation, on peut voir des détaillants qui sont plus réticents à commander les produits
authentiques. D’ailleurs, il a été noté que dans certains cas, ces détaillants peuvent être tentés de vendre des produits contrefaits, le cas échéant, avec des produits authentiques. En
conséquence, en plus de subir la concurrence des contrefaçons sur le marché national et européen, les industriels sont confrontés à la perte de marchés à l’exportation.
Plusieurs
estimations ont été effectuées au niveau mondial, mais la contrefaçon étant très difficilement chiffrable, elles varient de 200 à plus de 500 milliards d’euros par an : à titre de comparaison, celui de la traite d'êtres humains
(prostitution/esclavage) est évalué à 7 milliards. Le phénomène connaît une amplification sans précédent avec des chiffres alarmants: 25 millions de produits saisis en 1999 contre
85 millions de produits saisis dans l'UE en 2002.
En
France, l’union des fabriquant a estimé la perte annuelle à 6 milliards d’euros.
Les répercussions sur la conjoncture économique
La perte d’activité des entreprises a des incidences évidentes sur le volume d’emplois proposés par ces entreprises. Certains se sont aventurés à estimer le nombre d’emplois perdus : opération très délicate dont les résultats doivent être pris avec beaucoup de circonspection. L’OCDE a relevé que le mode de calcul de ces pertes peut consister par exemple à assimiler les pertes d’emplois aux pertes directes de ventes car on considère, dans ce cas, que le nombre d’actifs supplémentaires sera d’autant affecté par la réduction des ventes directes. De ce fait, des actifs supplémentaires ne pourront être embauchés en raison du manque à gagner des sommes correspondantes. Cependant la perte a été estimée à par le comité national anti-contrefaçon (CNAC) à 200 000 emplois dans le monde, dont 100 000 en Europe et 30 000 en France. L’OCDE, reprenant les chiffres de l’International Trade Commission (1996), note qu’aux Etats-Unis et en Europe, la contrefaçon coûterait plus de 200 000 emplois.Une étude réalisée par le cabinet IPC a révélé récemment qu’une baisse de 10 points du taux de contrefaçon et piratage en France permettrait de créer 45 000 nouveaux emplois qualifiés.
Par ailleurs toute la base industrielle et technologique des pays développés est fragilisée par cette économie. En effet, l’avenir des secteurs sur lesquels repose la croissance des économies du savoir est fortement remis en cause par la contrefaçon. En effet, les contrefacteurs ne supportent pas les coûts de développement des produits ni de mise en conformité aux normes de sécurité et trichent sur les salaires, impôts et TVA, ce qui a pour but d’entrainer une diminution des bénéfices des entreprises « vertueuses », une baisse des salaires, des pertes d’emplois, un recul de la croissance et une détérioration des recettes fiscales, le coût du chômage engloutissant la plupart des fonds dévolus aux autres priorités sociales. L'étude du Centre for Economics and Business Research, datée de 2000, chiffre à 8 milliards d’euros par an la baisse globale du PIB des pays européens, et à environ 16 millions d’euros les pertes fiscales subies par les Etats à cause du phénomène de la contrefaçon.